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Du climat à Israël : comment Barack Obama tente de savonner la planche de Donald Trump


La décision de Barack Obama de verser 500 millions de dollars au fonds vert pour le climat sert autant la cause environnementale que le but politique de plus en plus clair du président sortant : savonner la planche de son successeur.

L’un tempête, l’autre agit. Alors que Donald Trump multiplie, depuis son élection, les critiques de l’héritage d’Obama - de son engagement contre le réchauffement climatique à sa politique de détente avec Cuba ou l’Iran - le président sortant préside. En prenant soin de savonner autant que possible la planche de son successeur.

À deux jours de l’investiture de Donald Trump, Barack Obama a, ainsi, fait un chèque de 500 millions de dollars au fonds vert pour le climat de l’ONU, mardi 17 janvier. Difficile de ne pas voir dans ce geste une tentative de l’actuel locataire de la Maison Blanche pour consolider les acquis de la COP21, menacés par Donald Trump. Le président élu a, en effet, promis d’arrêter de “payer des millions” pour lutter contre le réchauffement climatique.

Depuis la déroute démocrate à l’élection présidentielle américaine, ce n’est pas la seule mesure prise par Barack Obama qui semble calibrée pour contrecarrer les plans de campagne de son successeur. Tour d’horizon des dernières décisions du futur ex-président qui vont peser sur le mandat de Donald Trump.

Interdire les forages en arctique. Barack Obama ne veut pas que son successeur décide d’aller chercher des nouveaux gisements d’hydrocarbures dans les eaux américaines d’Arctique et d’Antarctique au risque d’en détruire l’écosystème. Il a décidé, le 20 décembre 2016, de sanctuariser 50 millions d’hectares pour les mettre à l’abri de l’appétit des grands groupes gaziers ou pétroliers.

Ces derniers espéraient pourtant que la présidence Trump leur ouvre de nouvelles opportunités dans la très convoitée région au nord du continent américain, censée être riche en gisements inexploités. Le président élu avait, en effet, promis de déréguler au maximum le secteur énergétique pour favoriser l’activité économique, et donc la croissance. Reste à savoir si Donald Trump réussira à dé-sanctuariser ces nouveaux espaces protégés. Georges W. Bush avait pu faire annuler l’interdiction de chercher des gisements sur 50 % des 120 millions d’hectares d’océan que Bill Clinton avait fait protéger.

Des monuments nationaux plutôt que du gaz de schiste. La région du Bear Ears dans l’Utah et de la Gold Butte dans le Nevada pourrait abriter des gisements miniers et gaziers à même d’intéresser des groupes cherchant à exploiter les ressources naturelles du sol américain. Qu’à cela ne tienne : Barack Obama les a transformées en monuments nationaux le 28 décembre, les protégeant de facto contre toute tentation d’exploitation économique.

Officiellement, le président sortant entend protéger un héritage culturel considéré comme sacré par les Amérindiens. Officieusement, il met de sacrés bâtons dans les roues des républicains de ces deux États, qui comptaient sur Donald Trump pour laisser des entrepreneurs y faire de la prospection. Cette décision portant sur 6 475 km² pourrait être encore plus efficace que l’interdiction des forages en Arctique, car personne n’a jamais annulé une inscription dans le catalogue des monuments historiques américains.

Compliquer les relations russo-américaines. L’expulsion par l’administration Obama, le 28 décembre, de 35 diplomates russes après la publication d’un rapport des services secrets américains qui accuse le Kremlin d’être à l’origine des cyberattaques durant la campagne électorale, met Donald Trump sur la défensive. Le président élu, qui ne cache pas son admiration pour le président russe Vladimir Poutine, va prendre les rênes d’un pays qui estime officiellement que la Russie a tenté de fausser le processus démocratique américain.

Il aura beau, comme il l’a promis, mettre beaucoup d’eau dans la vodka diplomatique, l’expulsion demeure, les sanctions économiques sont toujours en place, et les accusations ont déjà provoqué l’ire russe. Donald Trump “va avoir du mal à affirmer dès son entrée à la Maison Blanche que tout ce que les services de renseignements ont dit sur la Russie était des mensonges”, explique Eric Lorber, un consultant spécialiste des sanctions internationales à Foundation for Defense of Democracies, un centre de reflexion sur les relations internationales, à la chaîne Bloomberg .

Éviter une politique anti-immigration. L’administration Obama a retiré, le 23 décembre, un ensemble de règles - connu sous le nom de National Security Entry-Exit Registration System (système de sécurité nationale d’enregistrement à l’entrée et à la sortie) - qui avait servi à surveiller les mouvements d’étrangers sur le territoire américain après le 11-Septembre.

Cette décision de Barack Obama, largement passée inaperçue, fait disparaître le principal texte sur lequel Donald Trump aurait pu s’appuyer pour mettre en place un éventuel fichier des musulmans, affirme le site Politico. Pendant la campagne, le candidat républicain avait, en effet, reconnu qu’il n’était pas opposé à un tel fichage, même si la proposition n’a jamais figuré dans son programme.

Mettre des bâtons cubains dans les roues de Trump. Barack Obama a pris le monde diplomatique par surprise le 12 janvier en annonçant que les Cubains qui rejoignent illégalement les États-Unis peuvent désormais être renvoyés à Cuba. Il a ainsi mis fin à un régime d’exception permettant aux Cubains de fuir le régime castriste depuis des décennies.

C’est l’une des manifestations les plus concrètes de la politique de détente avec Cuba initiée par Barack Obama en 2014. C’est aussi l’une des mesures les plus compliquées à gérer pour Donald Trump. Le président élu s’est entouré de plusieurs conseillers opposés à la normalisation des relations avec Cuba, mais “il a aussi été très ferme sur la nécessité pour les États-Unis de mieux contrôler l’immigration”, rappelle au site Politico Jason Marczak, directeur d’un centre d’études sur l’Amérique latine au Atlantic Council, un cercle de réflexion sur les relations internationales.

Le risque politique pour Donald Trump est grand s’il veut faire plaisir à ses conseillers en annulant cette décision : apparaître comme beaucoup moins intransigeant sur l’immigration que ce qu’il a bien voulu faire croire à ses électeurs. Les opposants à Donald Trump seront, en effet, prompt à rappeler que le régime d’exception pour Cuba “avait fait naître un horrible trafic où des milliers de cubains sans le sou étaient obligés de vendre tous leurs biens à des passeurs pour espérer rejoindre les États-Unis”, rappelle le New Yorker.

Obama vs Trump au sujet d’Israël. La décision inédite américaine de ne pas bloquer, le 23 décembre, l’adoption à l’ONU d’une résolution condamnant les colonisations israéliennes dans les territoires palestiniens est autant une sanction contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou qu’une pique contre Donald Trump.

Le président élu a, en effet, soutenu à plusieurs reprises que sa politique allait être “davantage pro-Israël” que celle de Barack Obama. Donald Trump a, notamment, laissé entendre qu’il pourrait décider de déménager l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jerusalem. Un geste qui serait très mal perçu par les Palestiniens, qui jugent que des négociations sur le statut de la ville sainte doivent faire partie d’un accord de paix global dans la région. Donald Trump a aussi choisi David Friedman, un fervent défenseur des implantations israéliennes en Cisjordanie, pour devenir le prochain ambassadeur des États-Unis en Israël.

Barack Obama laisse aura donc tout fait pour compliquer la tâche à son successeur. Il ne lui resterait plus qu'à rouvrir d’ici le 20 janvier une ambassade américaine à Téhéran pour parachever le tableau.


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